Himation

Le corps, vêtement de l’âme

Description et organisation

La deuxième séance du séminaire du laboratoire aura lieu le vendredi 10 décembre 2021, de 14h à 17h, en salle D2 034 à l’ENS de Lyon. Nous aurons le plaisir d’entendre deux interventions sur les liens entre âme, corps et  vêtement dans les textes philosophiques antiques.

Vous pouvez aussi assister au séminaire sur Zoom, en suivant ce lien : https://zoom.us/j/98845605149?pwd=MGx1dXluaE83UHRnaGlSZW45em9Mdz09

ID de réunion : 988 4560 5149

Code secret : cC6HGm

Aucune inscription à l’avance n’est nécessaire.

Programme

A. Macé (Logiques de l’Agir, Université de Franche-Comté) – “Le corps comme vêtement de l’âme d’Homère à Platon”

Les jeux de Platon sur l’âme et le corps sont bien connus, par exemple ceux qui se font jour lors du mythe final du Gorgias, avec la réforme introduite par Zeus pour mettre fin à la possibilité pour ceux qui ont des âmes mauvaises de comparaître devant les juges des Enfers « habillés de beaux corps, de leurs lignées et de richesses (ἠμφιεσμένοι…σώματά τε καλὰ καὶ γένη καὶ πλούτους, 523 c 5-6) » ; le passage finit néanmoins par faire du corps nu l’image même d’une âme et de ses vicissitudes. Nous nous proposons de reconnaître que les dialogues nous proposent plusieurs manières de penser le corps comme vêtement de l’âme, selon des modalités allant ainsi de la dissimulation au dévoilement, et que ces variations ont à voir avec la manière dont Platon fait usage d’un modèle homérique de l’effeuillement des êtres, qui ne s’articule pas selon l’opposition de l’âme et du corps, mais s’organise en plusieurs couches allant de la parure et du vêtement jusqu’à la droiture des esprits.

L. Lavaud (IHRIM, École Normale Supérieure de Lyon) – “L’âme et ses tuniques dans la philosophie de Proclus”.

L’intervention de L. Lavaud aura pour objectif d’élucider le sens que prend le terme de « tunique », χιτών, dans le néoplatonisme, en partant de ce que dit Proclus dans la proposition 209 des Eléments de Théologie : « Le véhicule de toute âme particulière descend en s’adjoignant des tuniques de plus en plus matérielles et remonte en compagnie de l’âme, en se dépouillant de tout ce qui est matériel, en retournant à la forme qui lui est propre ». Il s’agira de retracer tout d’abord l’histoire et le sens de ce terme de tunique pour décrire le rapport entre l’âme et le corps à partir de la métaphore de l’âme-tisserand dans le Phédon, puis de l’interprétation que propose la gnose valentinienne des « tuniques de peau » en Genèse, III, 21. Il étudiera ensuite la réappropriation néoplatonicienne de cette métaphore, en s’appuyant en particulier sur Porphyre et Proclus.

Arnaud MACE (Logiques de l’Agir, Université de Franche-Comté)
Le corps comme vêtement de l’âme, d’Homère à Platon.

Laurent LAVAUD (IHRIM, Ecole normale supérieure de Lyon)
L’âme et ses tuniques dans la philosophie de Proclus.

Contact

Organisé par Misel Jabin, Pauline Rates

himationlabojunior@gmail.com

(Texte des organisateurs) 

Lien

https://himation.hypotheses.org/

ENS Lyon

Habiller l’âme

Métaphores vestimentaires du corps dans l’antiquité

Description et organisation

Cette journée d’études s’adresse aux doctorants, jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs.

Les métaphores du vêtement dans les textes antiques constituent le champ de recherche, pour deux ans, du laboratoire junior Himation (ENS de Lyon) qui regroupe de jeunes chercheurs en philosophie et littérature antiques. Au cours de ces dernières décennies, de nombreux travaux ont étudié le vêtement antique en tant que marqueur d’une identité – qu’elle soit sociale, ethnique, genrée – ou plus largement comme signe d’un degré de conformité ou d’écart vis-à-vis de normes socio-culturelles (1). Toutefois, l’emploi et la fonction des métaphores du vêtement, fréquentes dans les textes antiques de genres divers tant politiques que philosophiques, poétiques ou encore théologiques, ont été rarement examinés pour eux-mêmes. Forts de ce constat, il nous semble qu’il soit intéressant d’envisager la métaphore non pas simplement comme un ornement du style mais aussi comme un véritable outil participant à la conceptualisation d’une réalité abstraite qui parfois est difficilement exprimable autrement (2).

Cette journée sera consacrée à l’étude des métaphores du corps, nu ou paré, qui l’assimilent à un vêtement de l’âme, comprise tant comme siège personnel de l’activité psychique et émotive que comme entité immortelle. On se penchera sur les métaphores vestimentaires en s’interrogeant à la fois sur les motivations de cet emploi métaphorique et sur les manières dont la métaphore est employée. Dans la lignée des travaux métaphorologiques, ouverts par H. Blumenberg, on pourra se demander s’il existe une historicité de ces métaphores et comment leurs emplois peuvent différer au cours de l’Antiquité et révéler l’évolution des concepts auxquelles elles se rattachent. On s’interrogera ainsi sur ce que dit la métaphore vestimentaire de la conceptualisation du rapport entre le corps et l’âme à chaque fois qu’elle est employée. Quelle est la fonction didactique ou heuristique de cette métaphore ? Comment cette métaphore évolue-t-elle et prend-t-elle un sens différent dans des contextes philosophiques et littéraires variés d’Homère à Augustin d’Hippone ?

Trois principaux axes seront envisagés lors de cette journée :

  1. Le corps, dans sa nudité ou couvert, comme représentation figurée d’une intériorité subjective. Nous voudrions envisager ici le vêtement sous son aspect symbolique en tant qu’expression figurée d’une abstraction psychique ou d’un concept émotionnel. Par exemple, Théophraste passe à plusieurs reprises par le vêtement pour conceptualiser le type général d’un caractère, qu’il s’agisse de la poltronnerie ou de la parcimonie. Les jeux de vêtement peuvent également représenter les mouvements de l’âme eux-mêmes : Douglas Cairns a exploré en particulier l’expression des émotions et de l’expérience de la mort au moyen de la métaphore vestimentaire dans la poésie grecque archaïque (3). Il nous semble intéressant de suivre la piste qu’il propose et d’interroger le rôle d’une telle métaphore dans la conceptualisation de l’intériorité et de la subjectivité dans les textes de l’Antiquité. Pourquoi le vêtement est-il un outil de choix pour exprimer l’intériorité ? Y-a-t-il une codification précise de ces emplois métaphoriques ? Quels aspects du vêtement, couleurs, emplois, fonction sociale, sont convoqués dans les métaphores vestimentaires qui parlent des émotions ?
  2. La métaphore du vêtement pour exprimer une conception dualiste de l’humain. En effet, l’image du vêtement est une métaphore privilégiée par les auteurs antiques pour défendre une vision anthropologiquement dualiste. C’est ainsi que le Socrate de Platon conçoit les rapports de l’âme et du corps dans le Phédon, sous l’influence des pensées orphiques et pythagoriciennes. Cette métaphore du χιτὼν τὸ σῶμα τῇ ψυχῇ ὅ ἠφίεσται, pour reprendre les mots de Porphyre, dans son De antro nympharum, était appelée à une grande postérité chez les néo-platoniciens mais aussi dans d’autres courants philosophiques puisqu’on la retrouve chez Sénèque dans les Lettres à Lucilius (4) et que les auteurs chrétiens n’ont pas hésité non plus à s’en emparer. Comment les traditions philosophiques non platoniciennes se réapproprient-elles cette métaphore et en quel sens ? Comment le néoplatonisme et ses avatars remotivent-t-ils l’antique métaphore du vêtement ? Comment cette métaphore infuse-t-elle l’inconscient collectif ?
  3. La métaphore du vêtement pour expliquer l’Incarnation et parler de la vie chrétienne. Les penseurs du christianisme réinvestissent cette métaphore vestimentaire pour expliquer le mode de l’Incarnation où le Fils de Dieu se revêt de la chair humaine (induere carnem), par exemple chez un Tertullien qui chérit particulièrement cette image. Néanmoins, cette métaphore fut finalement condamnée justement parce qu’elle tirait trop vers le dualisme. En parallèle, deux conceptions du vêtement, a priori opposées, coexistent  pour parler du lien entre le croyant et Dieu : tantôt le fidèle, en particulier dans la tradition paulinienne, est invité à « revêtir le Christ » (Rm 13, 14), notamment en contexte baptismal où le vêtement blanc fait signe à la fois vers l’état originel en Eden et au vêtement glorieux du Jugement ; tantôt il est incité à se débarrasser des « tuniques de peau » (Gn 3, 21) pour retrouver une nudité adamique originelle sans péché qui est chemin vers la sainteté. Comment la métaphore vestimentaire est-elle utilisée dans les textes catéchétiques et polémiques ? A-t-elle toujours la même fonction ? Quelles sont les différentes exégèses vestimentaires de de Gn 3, 21 et Rm 13, 14 proposées par les auteurs chrétiens qu’ils soient grecs ou latins ? Y-a-t-il une exégèse unifiée du vêtement néotestamentaire ?

Les communications, en français ou en anglais, n’excèderont pas 30 minutes et seront suivies d’un temps de discussion. Les propositions, sous forme d’un résumé (300 mots maximum) en français ou en anglais, sont à envoyer avant le 30 novembre 2021 à himationlabojunior@gmail.com.

(1) La bibliographie sur le vêtement dans les mondes antiques est très importante. Nous signalerons simplement ici les travaux récents menés par les laboratoires LAHM (Université Rennes 2) et de l’équipe Phéacie, aujourd’hui intégrée à ANHIMA. Pour une synthèse bibliographique, nous renvoyons à l’article de F. Gherchanoc et V. Huet, « Pratiques politiques et culturelles du vêtement. Essai historiographique », Revue historique, 2007, n°641, p. 3-30.

(2) Nous pensons notamment aux « métaphores absolues » telles que définies par H. Blumenberg dans Paradigmes pour une métaphorologie, (trad. D. Gammelin), Paris, Vrin, 2007 [1960], p. 9-11.

(3) Voir en particulier, D. Cairns, « Clothed in Shamelessness, Shrouded in Grief. The Role of “Garment” Metaphors in Ancient Greek Concepts of Emotion », in Spinning Fates and Song of the Loom: The Use of Textiles, Clothing and Cloth Production as Metaphor, Symbol and Narrative Device in Greek and Latin Literature (éds. M. L. Nosch, M. Harlow, G. Fanfani), Oxford, Oxbow Books, 2016, p. 25-41.

(4) Sen. Epist. 92. 13 : quod de ueste dixi, idem me dicere de corpore existima. nam hoc quoque natura ut quandam uestem animo circumdedit, uelamentum eius est.

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himationlabojunior@gmail.com 

(Texte des organisateurs)

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