Genèse du Dieu souverain
Gwenaëlle Aubry, Paris: Vrin, 2018, 320 p.
Description
Cette enquête interroge une double mutation : de l’ontologie aristotélicienne de l’en-puissance et de l’acte vers celle, moderne, de la puissance et de l’action; et du dieu acte pur vers le Dieu toutpuissant. Elle prolonge dans le champ médiéval les résultats de Dieu sans la puissance qui, lisant la Métaphysique d’Aristote à partir du couple conceptuel de la dunamis et de l’energeia, mettait en évidence une pensée oubliée pour laquelle l’être, et le divin, sont à la fois distincts de la puissance et identiques au bien. C’est un tout autre dispositif que l’on analyse ici, à travers cinq séquences qui vont d’Augustin à Duns Scot : la genèse critique de l’attribut divin de toutepuissance révèle une logique d’excès, qui conduit à poser Dieu non plus comme identique mais comme indifférent ou incommensurable au bien. De ce mouvement procède, à terme, la figure d’un Dieu souverain, principe hors-la-loi de toute loi. Cette construction théologique va de pair avec un geste ontologique qui, l’associant à l’être, modifie radicalement le concept de puissance hérité d’Aristote. De même que la figure du Dieu-Souverain s’oppose symétriquement à celle, aristotélicienne, du dieu-Bien, de même l’ontologie de la puissance, loin de trouver en elle sa source, s’élabore contre celle de l’en-puissance. En mettant au jour cette rupture aussi souterraine que décisive, l’archéologie ici proposée vise à découpler l’arkhè aristotélicienne des effets – notamment théologico-politiques – qui lui sont d’ordinaire attribués, pour en libérer d’autres.
(Texte de la maison d’édition)
Table de matières
Introduction
Problèmes de la toute-puissance
Devenirs de la puissance
Pantokrator/Omnipotens
Chapitre Premier: Omnipotentissima bonitas, Augustin, ou la mystérieuse alliance
Dieu comme être, bien, et puissance
L’essentia divine
Dieu comme bien et comme puissance
La raison de la création
Intima potentia: la toute-puissance divine et les puissances créées
Capacitas et tendance
Raisons séminales, en-puissances créées
Nature et puissance dans la controverse avec Pélage
Le mal, l’élection et le mystère de la puissance
Le péché et la peine
Le mystère de l’élection
Chapitre II: Pierre Damien, Abélard, et les impasses de la Puissance
Pierre Damien: la toute-puissance et la contradiction
Première question: la restauration de la virginité et la limitation de la toute-puissance à l’achevé
Deuxième question: la nécessité du passé
Troisième question: la nécessité naturelle
Pierre Abélard: la toute-puissance et la nécessité
Puissance et volonté: saint Augustin et le Timée
- La « reprise » de la définition augustinienne de la toute-puissance
- La cause du Timée
La « question anxieuse »
Le « possible pour »
Chapitre III : Toute-Puissance et puissance absolue
Puissance, liberté, volonté
Toute-puissance et puissance de tout
Toute-puissance et puissance absolue
- L’objet de la Distinction
- Le champ des possibles
- L’ordre des valeurs
Une toute-puissance en-puissance ?
Les condammations de 1277 et l’exclusion de l’acte pur
Chapitre IV : la puissance et l’être (Thomas d’Aquin)
L’acte pur d’être et la toute-puissance
Acte d’être et puissance d’être
Puissance, essence, action
Etre, bien, perfection
L’acte d’être et l’en-puissance
La dissociation forme/acte
En-puissance, capacité, analogie
Le « concours » des puissances
Limites et disproportion de la toute-puissance
Limites de la toute-puissance
Disproportion de l’acte pur
Chapitre V : Duns scot ou l’infini de la puissance
En-puissance, toute-puissance et contingence
Contingence diachronique vs contingence synchronique : la thèse de Simo Knuuttila
La nécessité de la contingence
Puissance rationelle, volonté, toute-puissance
La question du volontarisme
Puissance infinie, toute-puissance, puissance absolue
Toute-puissance et puissance infinie
La réinterprétation de la Distinction
Conclusion
Bibliographie
Indes des noms
Index des notions
Table des matières